La relation amoureuse met à nu notre vulnérabilité
On pourrait schématiser la chose ainsi. Chacun possède en soi-même trois idéaux : un idéal de soi, un idéal de l’autre, un idéal de la rencontre amoureuse. Surmonter les pièges de l’amour pourrait revenir à en prendre conscience.
Tant qu’on peut rêver de la rencontre avec l’autre, les idéaux ne sont pas malmenés. La vie s’accorde à nos désirs.
Mais à partir du moment où la rencontre a lieu, le réel est incontournable : nous devons en prendre acte – ou nous le cacher.
On peut se le cacher un certain temps, continuer de rêver. Mais il arrive un moment où l’écart entre l’idéal et le réel malmène notre idéal. C’est à ce moment-là que nous projetons sur l’autre les difficultés que nous rencontrons.
Nous attribuons à l’autre l’origine de nos frustrations
Plutôt que questionner nos idéaux qui mettent un voile sur la réalité, nous préférons demander à l’autre d’être différent, de façon à réduire l’écart entre notre idéal et la personne réelle que nous avons en face de nous. Pourquoi cela?
Parce que, en gros, nos idéaux ont été construits en nous-même afin de ne pas rencontrer l’émotion de notre vulnérabilité.
Qu’on fasse une thérapie de couple ou une thérapie individuelle, prendre conscience de notre vulnérabilité est une étape incontournable sur le chemin vers la liberté.
Prendre connaissance de soi plutôt que vouloir changer l’autre
Dans une thérapie de couple, l’enjeu pour chacun des membres du couple est d’aller regarder en soi ce qui fait idéal, c’est-à-dire écran entre soi et le réel.
Cela demande probablement une certaine ouverture d’esprit.
Cela peut prendre du temps car nous n’avons pas l’habitude de mettre en cause notre regard : nous mettons en cause l’autre.
En prendre conscience peut être douloureux. Mais il est impossible de contourner cette démarche.
C’est pourquoi les deux membres du couple qui souhaitent faire une thérapie doivent savoir que je vais les accompagner à regarder en eux-mêmes à la rencontre de leur vulnérabilité, à la rencontre des émotions qui construisent leur monde intérieur. Ils ne vont pas muscler un adulte, mais prendre soin d’un enfant.
La vulnérabilité dans le couple: une richesse
En avançant sur ce chemin, ils verront que cette vulnérabilité n’est peut-être pas une fragilité mais au contraire une richesse. Ils prendront conscience encore qu’il n’y a sans doute rien à changer drastiquement, mais un regard à poser différemment sur soi.
L’impact du fonctionnement inconscient sur la dynamique du couple
Les couples qui viennent me demander de l’aide pour une thérapie de couple en ligne ou en présence font un acte juste et courageux.
Ce courage demande un engagement auprès de soi, et cet engagement va lui-même demander de recevoir, en soi-même, les émotions qui viennent à l’occasion de la rencontre avec l’autre.
Qu’est-ce que «recevoir» cette émotion ? C’est d’abord la sentir corporellement, puis écouter ce qu’elle raconte.
Appréhender son insécurité intérieure…
L’émotion qu’on rencontre le plus souvent, c’est l’émotion de l’insécurité. On pourrait dire que c’est une émotion anthropologique… Avant de se mettre son écoute, il est habituel qu’on projette d’abord sur l’autre différentes fautes qu’il aurait commises, ou choses qu’il aurait dites, ou pas dites.
La thérapie permet de reconnaître l’insécurité en soi. Alors l’écoute devient possible : on peut entendre le danger que l’autre représente pour soi. On peut se mettre à l’écoute de comment l’autre met en question l’assise même de sa sensation d’exister.
… ou reprocher à l’autre d’être qui il est
Sans cette reconnaissance intime, la réponse automatique à nos émotions s’exprime le plus souvent par le reproche à l’autre de ne pas faire, ou dire, ce qu’il faut. On met sur le terrain objectif ce qui se passe en réalité subjectivement. Ce mécanisme de défense provient de la méconnaissance des émotions qui nous traversent.
Se rencontrer soi-même pour pouvoir rencontrer l’autre
La rencontre avec l’autre réveille des parts enfouies de nous.
Ce réveil de l’enfoui se présente comme un danger.
Comme ce réveil a lieu chronologiquement en même temps qu’une parole ou un acte de l’autre, nous croyons que l’émotion de danger qui nous traverse est causée par la parole ou l’acte de l’autre.
Nous cherchons alors à nous protéger. C’est la réponse automatique de défense qui croit devoir faire face à une attaque extérieure, alors que le danger est une représentation qui vient du plus profond de soi.
Antidote à la sensation de danger : la connaissance
Connaissance de soi ou accueil de ce qui se passe en nous. Regarder, apprivoiser, reconnaître ce qui se passe en nous.
Les émotions qui nous traversent racontent quelque chose de nous. Les laisser venir permet de faire connaissance avec cet inconnu en nous que nous abritons.
C’est à cet endroit que la thérapie de couple rejoint la thérapie individuelle.
La thérapie de couple : un travail sur soi avant tout
Dans la thérapie de couple, l’illusion serait de penser que l’autre va pouvoir enfin nous comprendre, ou faire l’effort de changer.
En réalité, les deux membres du couple doivent s’attendre à voir bouger, en eux-mêmes, leur façon de se voir eux-mêmes, puis, par une conséquence naturelle, leur façon de voir l’autre.
Il s’agit de se regarder soi-même, de regarder ce qu’on demande à l’autre, et comment l’autre nous fait réagir.
Réaménagement involontaire de nos croyances
Toute démarche psychothérapeutique, qu’elle soit individuelle ou de couple, passe par un réaménagement involontaire de ses croyances sur soi-même. On ne peut pas apprendre à l’autre à se comporter pour nous éviter de nous rencontrer nous-même. Mais on peut se connaître soi-même.
Un chemin exigeant mais libérateur
L’entité «couple» n’existe pas en soi : ce qui existe, c’est un individu qui rencontre un autre individu. En rencontrant l’autre, chacun rencontre la différence et l’incompréhensible, voire l’immoral et le stupide, que l’autre représente pour lui.
C’est pourquoi cela demande un engagement de soi-même envers soi-même. Et un certain courage.
Mais une fois qu’on a fait le premier pas, on se rend compte que le chemin n’était pas si dangereux qu’il en avait l’air au départ.
L’amour au-delà des illusions fusionnelles : le deuil de l’idéal
Supporter le conflit lié à la rencontre, c’est supporter de n’être pas comblé par l’autre, et c’est supporter de ne pas combler l’autre.
Quand cela devient possible, par une thérapie de couple ou une thérapie individuelle, l’agressivité peut tomber. Non parce qu’elle est refoulée au nom d’un idéal d’amour, mais parce qu’elle n’est plus l’expression de la frustration. La frustration de n’être pas avec la personne idéale, ou de n’être pas soi-même la personne idéale pour notre partenaire.
L’interprétation conflictuelle de la frustation peut tomber d’elle-même quand je peux supporter la frustration. L’origine du conflit n’est plus attribuée à l’inadéquation de l’autre, mais au décalage normal et naturel – anthropologique – entre ce que je suis, éprouve, pense – et l’idéal.
Supporter cette frustration passe par voir que l’autre n’en est pas responsable. Il n’est que la surface humaine sur laquelle elle trouve à se projeter.
Pourquoi est-il si difficile de voir que l’autre n’est pas responsable de ce que je ressens ? Parce que s’il n’en est pas responsable, alors il n’est pas responsable non plus de la passion que j’éprouve pour lui. Paradoxalement, mais réellement, continuer à projeter la responsabilité de l’autre quand «tout va mal», c’est continuer de penser qu’il est responsable de mon amour pour lui quand «tout va bien» – et on tient fort à cela.