Ce qui va suivre est la réponse imaginaire à la question réelle d’un patient qui me demande, dans un message envoyé dans la nuit, comment ça se passe pour moi quand je ne vais pas bien. Et il me remercie aussi de « ma bienveillance ». Sachant que ce patient se plaint dans nos séances de « dépendance affective » envers sa compagne, ma réponse m’amène à parler de « comment surmonter la dépendance affective ».
Mais « surmonter la dépendance affective » est juste une expression consacrée. Dans mon approche thérapeutique, il ne s’agit pas de surmonter, mais d’écouter.
Ma réponse imaginaire va m’amener aussi à dire que l’approche bienveillante du psychologue ne peut pas être une simple technique. Elle est la conséquence de sa propre aventure psychothérapeutique avant la rencontre avec ses patients.
Message de mon patient, donc…
W., 30 ans, m’écrit dans la nuit :
« Je pense que vous dormez, mais je vous remercie encore pour votre bienveillance et votre disponibilité.
Là ça ne va pas trop, X. me manque trop, donc je vous écris. D’ailleurs je me demandais comment ça se passait pour vous quand vous n’allez pas bien. »
… et ma réponse imaginée
Vous me demandez, W., comment je fais quand « ça ne va pas ». Vous n’êtes pas le premier patient à me le demander.
Et je comprends que le sujet intéresse. Je me suis moi aussi posé cette question lorsque j’étais à votre place, au début de mon propre parcours psychothérapeutique.
Pour vous répondre, je vous dirai que je n’ai pas cessé depuis mon adolescence de vouloir comprendre cette aventure humaine que nous vivons tous. Donc j’ai beaucoup exploré ce territoire inconnu : soi-même.
Aujourd’hui je connais mieux ce terrain. Donc, quand « ça ne va pas », je suis moins démuni qu’avant. Je sais un peu mieux où regarder en moi. Soit pour reconnaître quel est l’enjeu que je suis en train de vivre. Soit pour entendre des choses en moi que je n’avais pas encore entendues.
Intérieurement je suis à l’écoute de ce qui se passe en moi, quoi qui se passe. Avec les psychothérapies et les explorations psychocorporelles, j’ai peu à peu appris à ne plus avoir peur de moi quand ça n’allait pas bien. Appris à cesser de vouloir que le mal-être cesse. Appris, plutôt, à l’écouter.
Écouter en moi ce que le mal-être me dit de moi-même, de mes attentes, de mes peurs, de mes rêves, de mes idéaux impossibles… Le mal-être, comme le bien-être, sont des opportunités pour se connaître.
Ni les refuser ni les accepter, mais faire de la place à celui qui en fait l’expérience.
En somme me donner de la bienveillance à moi-même.
La place faite à soi-même a pour conséquence la place faite à l’autre
Et cette bienveillance que vous reconnaissez de moi envers vous, c’est la même que je me donne à moi-même.
En réalité, mon empathie pour l’autre est juste la conséquence naturelle de l’empathie que j’ai pour moi.
Cette écoute, sans but, sans morale, sans autre désir que d’entendre ce qui se présente ici et maintenant, cet élan d’entendre comment « le vivant » s’exprime en cet instant, ne peuvent pas s’appliquer juste à « moi ». Ils s’appliquent à tout ce qui m’entoure, « moi » y compris.
Et là vous me dites dans votre message que vous n’allez pas bien.
Et donc je vous invite à écouter ce qui se passe en vous, en cette nuit où vous ne dormez pas, angoissé par votre solitude. Même si rien ne vient sur le moment, écoutez encore. Ne vous laissez pas tomber. C’est cela, la bienveillance pour vous-même.
Si ça ne va pas, prenez-vous la main, donnez-vous de l’amour, prenez soin de qui vous êtes.
Vous êtes adulte : personne d’autre que vous ne peut prendre soin de vous, que vous-même. Même si vous avez une compagne très prévenante et très aimante, elle ne pourra jamais faire cela à votre place.
Et une part de vous très profonde le sait.
Si vous n’étiez pas fondamentalement indépendant de votre compagne, la dépendance affective envers elle ne se manifesterait pas dans votre conscience
L’expérience de la dépendance affective est une réaction.
Une réaction au fait que vous savez au plus profond de vous-même que vous êtes intrinsèquement seul, et que rien ni personne ne pourra y changer quoi que ce soit.
Et il n’y a rien de désespérant à prendre connaissance de cela. Car cela est vivable.
Cela est vivable car cela est le réel.
Et la connaissance du réel libère.
En somme, nous vivons la dépendance affective pour ne pas prendre connaissance de notre solitude.
Nous vivons la dépendance affective parce que nous savons, au plus profond, que nous sommes indépendants de fait.
Si la présence de l’autre nous évite de regarder cette solitude,
son absence nous y oblige.
Voici une approche singulière
Certes, qui renverse certaines idées consacrées, sinon certaine logique. Mais mes patients ont des résultats.
Ma bienveillance n’est pas celle qui raconte des rêves pour que mes patients souffrent moins. Elle accompagne sur le chemin de la connaissance de soi.
On ne se bâtit pas sur des rêves d’un monde où l’on ne serait jamais seul mais accompagné pour toujours par un être, quel que soit le nom qu’on donne à cet être.
Mes patients et moi faisons alliance. Nous ne faisons pas « Un ».
Nous tendons moins l’oreille aux idéaux consolateurs, à une certaine idée de la psychologie positive, ou aux promesses imaginaires, qu’à notre expérience humaine.
En conclusion
En répondant à cette question, j’aurai en quelque sorte parcouru le fil qui relie :
. la forme d’amour qu’on porte à l’autre dans la dépendance affective (comme amant ou amante)
. la forme d’amour qu’on porte à l’autre dans l’écoute bienveillante en psychothérapie (comme psy)
. et la forme d’amour qu’on peut se porter à soi-même (comme être humain)
Tout ça, donc, pour en revenir à parler d’amour.
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